La domination de Google dans la recherche web est-elle le fruit d’une supériorité technique, ou découle-t-elle d’habitudes et de mécanismes de marché plus subtils ? Alors que la multinationale doit faire face aux autorités de la concurrence outre Atlantique, une nouvelle étude tente de déterminer la véritable place de Google sur le marché de la recherche en ligne face à ses concurrents.

- Google domine grâce à des accords pour être le moteur de recherche par défaut, et non par supériorité technique.
- Une étude montre que des incitations financières peuvent temporairement accroître l'utilisation de Bing, mais les habitudes persistent.
- 22 % des utilisateurs rémunérés pour essayer Bing y restent, indiquant que l'exposition influence la préférence des utilisateurs.
Quitter Google. On en parle beaucoup sur Clubic, mais force est de constater que la plupart des internautes se rend sur le moteur de recherche sans même y penser. Que se passerait-il si nous étions incités à essayer un autre moteur ? Un document de recherche, inspirant les autorités judiciaires américaine, éclaire les enjeux cachés derrière la suprématie du géant californien.
Une expérience, plusieurs scénarios
L’étude, publiée en janvier 2025, a été menée par des économistes de Stanford, du MIT et de l’Université de Pennsylvanie. L'équipe s’est penchée sur les raisons profondes du quasi-monopole de Google dans la recherche web. Cette enquête porte sur près de 2 500 internautes américains. L'idée est de déterminer si cette domination est due à une qualité supérieure des résultats de Google, ou à manque d'exposition global des utilisateurs à des alternatives comme Bing.
Au travers de leurs travaux, les chercheurs ont testé plusieurs leviers : forcer un choix actif du moteur de recherche, changer le moteur par défaut, ou encore rémunérer les utilisateurs pour essayer l'alternative de Microsoft, Bing, pendant deux semaines.

Les chercheurs ont pondéré leurs résultats en plaçant les participants dans plusieurs groupes et avec plusieurs types de paiement de $1, $10, $25 et sur des périodes plus ou moins longues de 2 jours à 2 semaines. Ils ont monitoré les ordinateurs des participants pour être sûr qu'aucun d'entre eux ne trichait.
Les résultats montrent que demander aux utilisateurs de Google de faire un choix actif n'augmente la part de marché de Bing que de 1,1 point de pourcentage. Sans grande surprise, ces internautes restent donc fidèles à Google. Concrètement, l'écran de choix mis en place par la Commission Européenne, n'a donc pas un impact vraiment concret. Les choses changent quand on commence à rémunérer les internautes.
Les chercheurs expliquent que parmi les utilisateurs de Google, "une incitation financière de 1 dollar pour passer à Bing pendant deux semaines a permis à Bing d’atteindre 32 % de part de marché". Lorsque la rémunération est plus élevée, à 10 dollars, la part de marché de Bing monte à 64 %. La progression n'est cependant pas exponentielle : avec une prime de 25 dollars, la part de marché de Bing n’a progressé que jusqu’à 74 %.
22 janvier 2025 à 12h13
Un manque d'exposition aux alternatives
Selon cette étude, une grande majorité des personnes qui ont été payées pour utiliser Bing pendant 14 jours ont choisi de revenir à Google une fois les paiements arrêtés, ce qui suggère donc une forte préférence pour Google même après avoir essayé une alternative. Mais selon les chercheurs, plus l'exposition à Bing est longue, plus cela améliore sa perception de qualité.
Initialement, 33% des participants ayant utilisé Bing durant deux semaines avec rémunération avaient montré leurs intérêts pour continuer à l'utiliser après cette expérience. Les analystes soulignent : " une proportion non négligeable de ce groupe – environ 22 % – a choisi de rester sur Bing et continuait à l’utiliser plusieurs semaines plus tard."
Faire de l'ombre à la concurrence, c'est bien la spécialité de Google. Car c'est précisément sur cette exposition permanente que Google joue en venant se greffer comme moteur de recherche par défaut sur une large phase de navigateur et de smartphone. C'est ainsi que Google est prêt à payer Apple quelque 18 milliards de dollars par an pour venir s'installer au cœur de Safari.
Et si Google payait pour l'exposition des concurrents ?
Les fruits de cette enquête ont inspiré les autorités américaines dans leur bras de fer judiciaire contre Google, accusé de pratiques anticoncurrentielles. Comme le Washington Post, le gouvernement américain envisage plusieurs solutions pour casser l'omniprésence de Google. Au-delà d'une potentielle revente du navigateur Chrome, les autorités pourraient forcer la firme californienne à financer des campagnes d’incitation pour que les internautes essaient d’autres moteurs de recherche.
Si le fameux ballot screen mis en place sur le Vieux Continent n'a finalement que peu d'impact, une exposition forcée – même temporaire – à un concurrent comme Bing pourrait durablement réduire la part de marché de Google, sans pour autant nuire au bien-être des consommateurs.